Je travaillais à l'université du Mirail. Nous étions deux dans une salle de cours et nous étions en train de parler du 11 septembre. Mon collègue a ouvert une fenêtre pour fumer une cigarette (la salle est constituée à 50% de baies vitrées). Tout d'un coup, un bruit de tonnerre, ou plutôt le bruit d'un avion qui franchit le mur du son... mais il y avait quelque chose d'anormal ; le sol avait lui-même sursauté, comme si on se trouvait sur un tambour. Je demandai à mon collègue ; "Qu'est-ce-que-c'est?". Aucune réponse, il regardait le ciel d'une manière que je ne peux vous décrire. Trois ou quatre secondes (plus? moins?) après ce boom, les vitres éclatèrent, les faux plafonds tombèrent. Je me glissai sous la table, vite, si vite. Cette demi-seconde, où je vois ce mur de verre se briser, je pense à ce qu'on voit à la télé, tous ces drames que l'on ne peut pas comprendre et que tout d'un coup, nous tombent dessus comme une claque que l'on attendait pas. Je cours, je cours vite à travers les couloirs en direction de la sortie, et je me dit, pour la première fois de ma vie, que je vais peut-être mourir...
Dehors, tout est incompréhension, peur, panique... La foule rassemblée dehors, loin des bâtiments, ne s'aperçoit pas immédiatement que le ciel est orange, que des nuages de fumée tourbillonnent. La lune ronde apparaît à travers ces effroyables nuées de feu.
Toutes les sirènes hurlent, on entend au loin les sirènes des pompiers, du SAMU... Tout est questionnement, je pense à un attentat, à la guerre, j'oublie tous mes soucis qui deviennent alors broutilles, si petits par rapport à La Réalité.
Il s'est peut-être passé une heure trente avant de savoir que c'était l'usine AZF qui avait explosé. Pour revenir au centre ville, nous avons dû garer la voiture en chemin car ça n'avançait pas. Les gens, dans la rue, avaient des valises, ils partaient dans tous les sens, mais ils partaient. On aurait dit un exode. J'en oublie, des choses. Le plus important, dans ce témoignage, est de vous dire que je n'ai pas trouvé les mots exacts pour vous décrire ce que j'ai ressenti. Mais ma mémoire sait, elle. je n'oublierai jamais. Le soir, je suis rentrée chez mes parents, à 100 KM de Toulouse. Le silence me faisait peur. AZF réexposait dans ma tête, mon cerveau ne parvenait pas à retenir ce bruit d'explosion, qui recommençait et recommençait jusqu'à ce que le sommeil arrive…